Courir avec un régime cétogène : quel impact sur la performance sportive ?

Renverser la table des habitudes alimentaires pour courir plus longtemps, plus fort, voilà l’audace du régime cétogène. Certains y voient une révolution, d’autres une impasse physiologique : le débat ne faiblit pas, porté par des chiffres contradictoires et des expériences de terrain fascinantes.

Derrière la promesse du régime cétogène, c’est tout le métabolisme du coureur qui se réorganise en silence. Réduire drastiquement les glucides oblige l’organisme à solliciter ses réserves de graisses, enclenchant la cétogenèse. Les corps cétoniques produits deviennent alors le carburant privilégié des muscles, laissant le glucose sur la touche.

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La restriction en glucides, généralement en dessous de 50 grammes quotidiens, pousse le corps à privilégier l’oxydation des lipides. Cette bascule nutritionnelle, connue sous le nom de low carb high fat, modifie profondément la gestion de l’effort, particulièrement lors des sorties longues ou des séances à allure variable. Les réserves de glycogène s’épuisent plus vite, forçant l’athlète à revoir ses stratégies d’entraînement et de récupération.

Voici les principaux effets observés par ceux qui s’essaient à la cétose :

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  • La cétose prolonge l’autonomie énergétique sur les efforts continus, profitant d’un stock lipidique bien plus conséquent que le glycogène.
  • Les adaptations métaboliques restent variables : elles dépendent du niveau d’entraînement, de la génétique et du temps consacré à ce nouveau mode alimentaire.

Adopter un régime pauvre en glucides ne signifie pas tout sacrifier, mais impose une rigueur quasi chirurgicale. La capacité à mobiliser efficacement les lipides devient le nerf de la guerre. Certains coureurs soulignent une énergie plus stable, d’autres déplorent une perte de puissance, notamment lors des accélérations ou changements de rythme.

Passer en cétose n’est pas une formalité. Fatigue, digestion capricieuse, voire “grippe cétogène” : les premiers jours mettent la discipline à l’épreuve. Cette phase délicate peut compromettre l’entraînement si elle débute en pleine saison de compétitions.

Quels effets sur l’endurance et la performance sportive selon les études ?

Les publications scientifiques sur le régime cétogène et la performance en endurance brossent un tableau nuancé. Chez les athlètes d’endurance, plusieurs études révèlent une adaptation claire : la capacité à utiliser les lipides comme source d’énergie s’améliore, surtout lors des efforts de longue durée. Dans des épreuves comme la course à pied ou l’ultra-endurance, où le rythme reste modéré, la filière lipidique prend le dessus.

Cependant, le lien entre régime cétogène et performance le jour J continue d’alimenter la controverse. Des travaux menés par Burke (2017) ou Volek (2016) révèlent une meilleure gestion de l’énergie sur la durée, mais aussi une diminution de la puissance maximale et de la capacité à multiplier les sprints. Les réserves de glycogène limitées ne suffisent plus lors des accélérations ou des fins de course tendues.

Les observations suivantes reviennent souvent chez les sportifs testant le régime cétogène :

  • Les athlètes d’ultra-endurance tirent parfois avantage du modèle low carb high fat sur les formats longs, économisant leur glycogène.
  • Pour la course sur route ou les séances à haute intensité, une alimentation riche en glucides reste la stratégie la plus efficace pour soutenir la performance.

La plupart des plans d’entraînement et de préparation à la compétition continuent d’accorder la priorité aux glucides, gages de vitesse et d’explosivité. Le régime cétogène nécessite un temps d’adaptation souvent difficile à concilier avec les impératifs du calendrier sportif.

Avantages et limites du régime cétogène pour les athlètes d’endurance

Le régime cétogène intrigue, séduit, mais ne fait pas l’unanimité. Beaucoup espèrent une perte de poids rapide et une énergie plus constante. En pratique, la diminution de la masse grasse, fréquente lors de la transition vers une alimentation faible en glucides, favorise la légèreté en course et l’efficacité du geste. Perdre du poids, c’est parfois gagner en aisance sur l’asphalte ou les sentiers.

Côté bien-être, certains retrouvent un appétit mieux régulé et moins de fringales après leurs sorties. Des variations de glycémie moins brutales limitent aussi les coups de fatigue qui cassent le moral sur la fin d’une longue séance. Mais le revers de la médaille existe. La phase d’adaptation s’accompagne souvent d’une grippe cétogène : fatigue, inconfort digestif, maux de tête. Ces effets désagréables peuvent freiner l’entraînement, surtout lors du passage au mode cétose.

La gestion de la récupération et des micronutriments demande une attention particulière. Miser sur une alimentation très riche en lipides expose à des risques : déshydratation, déminalisation, déséquilibre du microbiote intestinal. Parfois, des compléments alimentaires ou des ajustements diététiques s’imposent pour prévenir l’acidose ou une perte musculaire indésirable.

La dimension sociale ne doit pas être sous-estimée. Entre dîners entre amis, ravitaillements collectifs ou repas d’équipe, le régime low carb peut isoler. Tenir sur la durée devient alors un défi supplémentaire. Certaines variantes, régime cétogène cyclique ou ciblé, offrent plus de souplesse, mais la constance reste la clé pour éviter les dérapages.

course endurance

Témoignages d’athlètes et pistes pour approfondir la réflexion

Dans la communauté, le régime cétogène suscite de vifs débats. Plusieurs athlètes d’endurance, inspirés par la réussite de Jeff Browning ou Tim Olson sur les courses d’ultra-trail, décident de tenter l’aventure. Browning, par exemple, évoque une énergie stable sur plus de vingt heures d’effort, la simplicité des ravitaillements et un moral moins fluctuant durant les longues épreuves. Pourtant, cette approche ne convainc pas tout le monde.

Certains, comme Hugues Daniel, coureur français habitué aux routes, constatent une perte de vitesse lors des séances explosives. La filière lipidique, si performante sur le long, montre ses limites dès que le rythme s’accélère. Tim Noakes, figure de la physiologie sportive, tempère : tout dépend du profil du coureur, de la préparation et de la gestion des repas. Pour éviter les déconvenues, le suivi personnalisé et l’accompagnement par des professionnels de santé restent des leviers majeurs.

Voici quelques repères pour ceux qui souhaitent explorer cette approche :

  • Veillez à chaque apport en électrolytes pour compenser une éventuelle déminéralisation.
  • Réajustez l’hydratation selon l’intensité de l’entraînement et la saison.
  • Testez vos performances sur différents formats : course à pied, trail, cyclisme, ultra-endurance.

Les analyses de Jeff Volek ou Fabrice Kuhn invitent à la prudence. Le régime cétogène n’est pas une recette universelle : il s’apprivoise, se personnalise, s’interroge. Les expériences individuelles montrent que la nutrition sportive ne se résume jamais à une formule unique, même sous les projecteurs du low carb high fat.

À chacun de tracer sa route, entre promesses alléchantes et contraintes techniques, pour trouver l’équilibre qui fera la différence sur la ligne d’arrivée.