À quoi reconnaît-on un géant ? Certainement pas à la taille, ni même à la force brute, mais à cette empreinte laissée sur l’asphalte, sur la mémoire collective, à ce parfum de défi qui flotte longtemps après leur passage. Les routes d’Italie, de France ou d’Espagne n’oublient rien : certains cyclistes n’ont pas seulement vaincu la fatigue et le peloton, ils ont apprivoisé trois colosses majeurs du sport en l’espace d’une seule carrière. S’attaquer au Giro, au Tour et à la Vuelta, c’est choisir l’obsession, voire une douce folie, là où la plupart se contentent d’un rêve.
Leur nom intrigue, fascine même : par quel miracle un coureur peut-il dompter des épreuves aussi antagonistes, terrasser des adversaires affamés, et résister à la pression d’un siècle de légendes ? Voici la poignée de cyclistes qui ont réécrit les lois du possible et redéfini la notion de domination.
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Un exploit rare dans l’histoire du cyclisme
Le cercle des vainqueurs des trois Grands Tours reste impénétrable, presque mythique. Le Tour de France, le Giro d’Italia et la Vuelta a España réclament des atouts opposés : puissance explosive, endurance à toute épreuve, adaptabilité aux profils les plus imprévisibles, intelligence dans la gestion d’une saison entière. Seuls quelques-uns ont su franchir ces trois sommets. Quand Marco Pantani s’offre le doublé Giro-Tour en 1998, le monde retient son souffle ; mais remporter les trois, c’est changer d’échelle.
Chaque nom ayant relevé ce défi dessine une carte singulière du cyclisme : l’Italie de Felice Gimondi, l’Espagne d’Alberto Contador, la France de Bernard Hinault, la Belgique d’Eddy Merckx, la Grande-Bretagne de Chris Froome. Chacun a bâti sa légende sur l’art de viser juste, au bon moment, et sur une capacité d’adaptation hors du commun.
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Depuis la démonstration de Tadej Pogacar sur le Tour de France et sa prise de pouvoir sur le Giro d’Italia 2024, la Slovénie espère voir naître un nouveau mythe. Pogacar, désormais à la chasse de la Vuelta, symbolise cette nouvelle ère où le cercle pourrait s’agrandir. Mais la dernière marche, celle de l’Espagne, demeure impitoyable – et seuls les plus complets peuvent espérer la franchir.
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Ce triplé rarissime rappelle la difficulté de l’aventure : décrocher une victoire lors d’un Grand Tour suffit déjà à marquer une époque, mais réussir la triple couronne, c’est s’installer à jamais au sommet du panthéon cycliste.
Quels sont les coureurs à avoir remporté les trois Grands Tours ?
La liste des vainqueurs des 3 Grands Tours a tout d’une galerie de portraits où chaque visage rime avec prouesse. À ce jour, seuls sept coureurs ont apposé leur signature sur ce parchemin réservé aux champions inaltérables. Leur palmarès n’a rien d’un hasard : c’est la preuve, tangible, d’un exploit qui défie les époques.
Coureur | Pays | Tour de France | Giro d’Italia | Vuelta a España | Première victoire |
---|---|---|---|---|---|
Eddy Merckx | Belgique | 1969, 1970, 1971, 1972, 1974 | 1968, 1970, 1972, 1973, 1974 | 1973 | 1968 |
Bernard Hinault | France | 1978, 1979, 1981, 1982, 1985 | 1980, 1982, 1985 | 1978, 1983 | 1978 |
Felice Gimondi | Italie | 1965 | 1967, 1969, 1976 | 1968 | 1965 |
Alberto Contador | Espagne | 2007, 2009 | 2008, 2015 | 2008, 2012, 2014 | 2007 |
Vincenzo Nibali | Italie | 2014 | 2013, 2016 | 2010 | 2010 |
Chris Froome | Grande-Bretagne | 2013, 2015, 2016, 2017 | 2018 | 2011, 2017 | 2011 |
Jacques Anquetil | France | 1957, 1961, 1962, 1963, 1964 | 1960, 1964 | 1963 | 1957 |
Tenir le rythme plusieurs années, s’imposer dans trois contextes radicalement différents, là réside la marque des véritables caméléons du cyclisme. Passer du Giro à la Vuelta, dompter les étapes du Tour, régner sur trois confrontations majeures : chaque nom inscrit ici a forgé une trace permanente dans les annales du sport.
Portraits de champions indétrônables : forces, styles et anecdotes
Derrière chaque champion indétrônable se cache une identité, une manière bien à lui d’affronter le destin. Eddy Merckx, le « Cannibale », ne laisse que des miettes : il engloutit les étapes, les adversaires et les records avec un appétit jamais rassasié. Sa domination se moque des terrains, des profils, des époques : il écrase tout sur son passage, du plat jusqu’aux plus hauts sommets.
Bernard Hinault : le panache à la française, le coup d’œil qui déstabilise, la volonté d’acier qui balaie toute résistance. Il ne laisse aucune place au hasard, impose son rythme, son autorité, et fait du peloton un théâtre où il tient le premier rôle.
Felice Gimondi : tout en retenue, il manie la patience comme une arme. Son jeu ? L’attente, l’anticipation, le choix du moment juste. Il remporte ses plus grands succès sur l’intelligence, la lecture stratégique autant que sur la force pure.
Chris Froome, lui, s’inscrit dans l’ère du détail : préparation millimétrée, positions travaillées jusqu’à l’obsession, explosivité chirurgicale. Sa signature visuelle, sa cadence singulière, symbolisent une nouvelle ère, celle du cyclisme calculé, optimisé jusqu’à l’absurde.
Quelques anecdotes ponctuent l’histoire :
- Raphaël Géminiani, surnommé « le Grand Fusil », n’a jamais aligné les trois victoires, mais il détient le record de participations : 32 Grands Tours disputés, un exemple de longévité et d’abnégation.
- Laurent Jalabert, passé maître dans l’art du changement, s’est réinventé grimpeur après avoir été sprinteur. Il a brillé sur la Vuelta, sans jamais réussir le triplé.
- Adam Hansen, sans ambition pour le classement général, s’est pourtant distingué par sa régularité : 20 Grands Tours consécutifs bouclés, une prouesse d’endurance mentale et physique.
Style, force, flair tactique ou gestion du temps fort : chaque champion a inventé sa propre trajectoire vers l’immortalité sportive.
Peut-on imaginer un nouveau membre dans ce cercle fermé ?
La question agite les débats : qui, parmi la génération actuelle, possède la trempe d’un vainqueur des trois Grands Tours ? Jamais le peloton n’a été aussi dense, jamais la récupération n’a eu autant d’importance, jamais le calendrier n’a été aussi corseté. Pourtant, quelques noms cristallisent les espoirs : certains brillent déjà par leur précocité, d’autres par leur régularité.
- Tadej Pogacar, double vainqueur du Tour de France et désormais roi du Giro d’Italia, incarne la modernité sans complexes. Sa polyvalence, son audace, l’appui de l’UAE Team Emirates : tout semble possible. Reste la Vuelta, ce verrou espagnol qu’il lui faudra briser.
- Jonas Vingegaard, chef de file de Vismalease a Bike, s’est imposé sur le Tour et lorgne déjà vers l’Italie ou l’Espagne. Sa capacité à tenir trois semaines à un niveau d’exigence maximal en fait un prétendant naturel au triplé.
- Remco Evenepoel, phénomène de la Soudal-Quick Step, a déjà conquis la Vuelta. Son tempérament offensif, sa jeunesse et son appétit font de lui une énigme captivante pour les prochaines années.
- Primoz Roglic, si proche du graal après ses triomphes sur la Vuelta et le Giro, n’a jamais dissimulé son désir de ramener le maillot jaune à Paris.
Le chemin reste semé d’embûches : enchaîner les saisons, affronter des adversaires redoutables, gérer les aléas physiques et tactiques. Qui sera le prochain à inscrire son nom dans ce cercle d’élus ? Le futur du cyclisme s’écrit encore, quelque part sur une rampe d’arrivée, là où la légende attend son nouveau héros.